I – Les Seigneurs et la Seigneurie de Nelle

HISTOIRE D’UN VILLAGE SANS HISTOIRE

EPISODE I

LA SEIGNEURIE ET LES SEIGNEURS DE NELLE

Le fortuné village auquel échoit l’honneur inattendu de recevoir le GRAND GLOBE et ses illustres aéronautes se nomme NELLE EN VEXIN ou plus simplement NELLE. Au Moyen Age, on le dénommait NIGELLAE ; dans ces derniers temps, nous en avons fait Nesles- la- Vallée.

 En 1783, la paroisse de NELLE EN VEXIN relevait, pour la justice, de la prévôté du lieu, du bailliage royal de Pontoise et du Parlement de Paris ; pour les affaires religieuses du doyenné de Beaumont sur Oise, de l’archidiaconé de Clermont et de l’évêché de Beauvais ; pour les finances et la police de l’élection de Pontoise et de la généralité de Paris ; pour les affaires militaires, milice et maréchaussée du gouvernement de Paris.

Aujourd’hui, à deux cents ans de distance, la paroisse ancienne transformée en Commune et nommée Nesles-la-Vallée appartient au canton d’Auvers sur Oise, à l’arrondissement de Pontoise et au département du Val d’Oise. Elle relève pour la justice du tribunal de paix de Pontoise et de la Cour d’Appel de Versailles ; pour les affaires religieuses du doyenné de Beaumont sur Oise et de l’évêché de Pontoise ; pour les finances locales de la recette particulière de l’Isle-Adam, du trésorier général de Pontoise ; pour les affaires militaires de la circonscription de Versailles et gendarmerie de Parmain.

Voilà bien des bouleversements dans l’administration et les décisions territoriales de notre pays en l’espace de deux siècles ! nous aimerions à reproduire, à examiner les causes, à fixer les dates de ces changements ; le cadre restreint de notre travail nous permet tout au plus d’en envisager les résultats. Eh bien ! A en juger par ce que nous venons de voir, ces résultats n’ont rien d’éclatant. Les mots y jouent le rôle principal : Paroisse ou Commune, Election ou Arrondissement, Bailliage ou Tribunal Civil, n’est-ce pas un peu comme bonnet blanc et blanc bonnet ? Nous avons divisé la Province en département. Nous avons remplacé l’intendant par le Préfet, le subdélégué par le Sous-Préfet, l’Echevin par le Conseiller Municipal, le commis du tarif par l’Employé d’octroi, la Maréchaussée par la Gendarmerie.

Tout cela s’est fait avec un grand fracas, mais au fond les institutions sont restées les mêmes. Seules les étiquettes ont été changées. Certes, il y a des nuances assez marquées entre l’Ancien et le Nouveau, mais ce ne sont que des nuances et rien n’autorise à en grossir les proportions et l’importance.

Une étude approfondie et pratique de nos vieilles administrations défend de crier miracle en face des nouvelles. Alors, dira t’on, à quoi bon la Révolution ?

L’acte capital de la Révolution, répondrons-nous, n’est pas dans le changement des formules administratives, ni dans le rétrécissement des divisions territoriales, il réside dans la suppression radicale du régime seigneurial.

Ce régime assez puissant pour avoir duré en France pendant de longs siècles et qui existe encore dans une partie de l’Europe, à peu près ignoré de nos générations contemporaines. Nos citadins ne l’ont guère entrevu qu’à l’opéra comique dans le nouveau seigneur du village. Les populations rurales n’en ont conservé que des souvenirs fantastiques. N’est-ce pas le moment à l’heure où nous pénétrons dans le village de NELLE, à la veille de la disparition de ce régime. De jeter un regard sur son organisation et son fonctionnement et de faire revivre, un instant, authentiquement, l’ancien seigneur du village.

Nous ferons remarquer que quelques ouvrages (1) ont été écrits jusqu’à ce jour sur le village de NELLE. En entrebâillant l’huis de ses archives si hermétiquement fermé depuis des siècles, on est émerveillé de l’abondance de documents immaculés qui s’y trouvent. Nous en mettrons quelques-uns en lumière dans le double but d’éclairer l’ensemble de notre travail et de fournir aux futurs historiens de ce pays d’utiles éléments d’informations. Il ne saurait entrer dans notre plan de remonter aux origines gallo-romaines du village de NIGEALLE.

Comment s’était constituée la seigneurie de NELLE et quels furent les seigneurs de ce village ? la paroisse de NELLE renfermait, à la fin du XVIème siècle, trois fiefs principaux :

  1. LE FIEF DES BRUNS Chef lieu, la ferme de NELLE – dont furent possesseurs jusqu’à la fin du XVIème siècle : Pierre des Essarts, Jean de Pacy, Antoine et François de Cugnac, Mathieu et Geoffroy de Coeuret (1958) (2). 
  2. LE FIEF DES PORTES Chef lieu, le château de NELLE – qui fut à Jean de Pacy, Regnault des Bores de Nautuoillet, Denis et Jean de Pacy, Guérin de Loriris, Gilles Luois Guillaume Leforestier, avocat du roi à Pontoise (1467) ; Barbe, Ambroise, Marie-Antoinette et Marie-Anne Leforestier, filles du précédent, Jean de Cossart (1518), Marie de Cossart, épouse de Mathieu de Coeuret et Geoffroy de Coeuret (1596). 
  3. LE FIEF DE NASSELLES – qui appartient successivement à Jean du Mesnil, époux de Jeanne de Nasselles ; à Mathieu de Longpré, Guillaume Leforestier, Jean de Cossart, Marie de Cossart épouse de Mathieu de Coeuret et Geoffroy de Coeuret (1598). 

Ainsi l’on voit les trois fiefs principaux de NELLE, dont dépendaient de nombreux fiefs secondaires (3) se trouvèrent réunis à la fin du XVIème siècle dans les mains de Geoffroy de Coeuret.

Un généalogiste dit à ce sujet : «ce sont tous ces fiefs réunis dans l’étendue desquels se trouve l’église de NELLE, qui formaient la seigneurie de NELLE, mouvant immédiatement du fief de Poids (Poix) dit : d’Orgemont dépendant de la terre de Méry. A partir de 1639, date de la mort de Geoffroy de Coeuret, qui portait le titre de seigneur, marquis de NELLE, la seigneurie passa successivement à Sébastien de Coeuret, mort en 1701, puis à François Sébastien de Coeuret. Ce dernier étant mort sans postérité, sa sœur, Rosalie, hérita des dites terres et seigneurie qu’elle apporta en mariage, le 21 janvier 1715, à Messire François Testu de Balincourt. François Testu de Balincourt étant décédé en 1766, ce fut son fils aîné, Charles Louis Testu, Comte de Balincourt qui devint titulaire de la seigneurie de NELLE et qui la possédait à l’époque où nous nous y présentons, c’est-à-dire en l’année 1783».

En 1869, au moment de l’établissement d’un bureau de poste dans ce village, l’administration ayant fait remarquer que 16 communes en France portaient le nom de NESLES, le Conseil Municipal après avoir écarté les désignations de Nesles les Carrières, Nesles les Coteaux, décide que dorénavant cette commune serait nommée Nesles-la-Vallée.

  1. Recherche d’un château perdu par Emile Henriot.
    Histoire de Nesles-la-Vallée de E.J.B Marchand.
    Plusieurs études particulières de Roland Berling font également de très sérieuses références.
  2. Le nom de cette famille est écrit alternativement dans les actes : Cueuret ou Coeuret. Nous adoptons cette dernière orthographe.
  3. Les fiefs de Launay, de Lorris, de la Treille, de Saint-Symphorien, du Mesnil, de Poix dit de Rouelly, de Rouetton du Fay, du Val de Nelle…

 Propos recueillis par Jean Deschamps